Harry Callahan_03

« Weed against sky » © Harry Callahan

Cette semaine, c’est le mot « MINIMAL » qui est proposé et pour l’illustrer j’ai choisi « Weed Against sky » une photographie de Harry Callahan tirée de sa série « Elemental Landscapes » qu’il réalisa à Chicago dans les années 1950 ; en français « mauvaise herbe contre le ciel » de la série « paysages élémentaires ».

J’ai hésite un moment entre MINIMAL et MINIMALISME et finalement j’ai opté pour la 1ère proposition, c’est à dire l’adjectif plutôt que le nom commun car le MINIMALISME (ou art minimal) est un courant de l’art contemporain apparu au début des années 60 aux USA en réaction au lyrisme pictural de l’expressionnisme abstrait et en opposition à la tendance figurative et ironique du Pop Art. Le minimalisme est l’héritier du Modernisme et plus particulièrement de l’école du BAUHAUS et Il a fait sienne la maxime de l’un de ses grands représentants, l’architecte Mies Van der Rohe : « less is more » qui en français peut se traduire par « moins est plus » et signifier : moins est mieux.

Mies Van der Rohe et Harry Callahan étaient amis !

Minimal, vient donc de minimum. Il caractérise une réduction, un niveau qui est bas ou ténu, une simplification, une épure… Il se dit aussi d’une tendance de l’art contemporain qui réduit l’œuvre à des formes d’une extrême simplification ainsi qu’à des modalités élémentaires de matières et de couleur. Nous comprenons que le sens des deux termes « minimal » et « minimalisme » ne font à peu près qu’un.

Que pouvais-je proposer de plus minimal que cette petite branche noire sans feuille sur fond de ciel blanc immaculé ?

Harry Callahan (1912-1999) a voué à peu près toute sa vie à la photographie et même si nous ne pouvons le rattacher complètement au mouvement minimaliste en tant que tel, nous admettrons volontiers que par son dévouement à l’égard de son (ses) sujets et sa recherche de simplicité accomplie à la manière d’un moine bénédictin il a fait preuve d’un dévouement sans limite à la cause photographique.

A cause du noir et blanc, qu’il maîtrise à la perfection, le poussant vers un minimalisme austère on a souvent évoqué chez lui la parenté avec la calligraphie japonaise. Il s’est fait l’adepte d’un « less is more » photographique.

Harry Callahan est à juste titre considéré comme un grand maître de la photographie, surtout pour ses photographies en noir et blanc qu’il développait lui-même. Il photographiait sans trêve, toute la journée, tout entier voué à sa passion. Photographier était pour lui comme un acte de foi aussi nécessaire qu’un rituel. La nuit, il développait ses travaux pour voir s’il avait ou pas trouvé le bon angle, la bonne lumière, la meilleure composition.

Il retournait régulièrement sur les lieux de ses prises de vue pour explorer sans cesse le motif et savoir s’il pouvait faire évoluer sa façon de l’appréhender. Créateur solitaire, il était capable de faire surgir une poésie de presque rien. Le quotidien, une plage vide, une tige, quatre fils électriques, une ombre, un poteau, un mur muet, des broussailles etc. étaient pour lui sujets dignes d’intérêt et il savait les transfigurer et en donner à chaque fois une image singulière et interpellante.

En photographiant il traquait aussi son ombre, il enfermait sa vie dans l’intimité du visible à sa portée : sa famille, ses rues, sa ville, ses champs…

Il photographiait sa vie.

Quand il parlait de l’acte photographique, il disait : « La photographie est une aventure, tout comme la vie est une aventure. Si on veut s’exprimer photographiquement, on doit absolument comprendre sa propre relation à la vie ».

On ne relève que trois ou quatre thèmes majeurs dans son œuvre : le spectacle de la ville, les paysages naturels, l’abstraction pure, sa femme Eleanor et sa fille Barbara. Il lui arrivait aussi de traiter et de confondre les deux derniers motifs en les superposant l’un à l’autre. La série la plus importante concerne les portraits et les nus de sa femme Eleanor.

Avec « Weed against sky » nous voici en présence d’un dessin, une ligne extrêmement simplifiée, élégante, nette.

On peut évidemment ne voir que l’élément végétal dressé en contre-plongée sur fond de ciel mais si on veut rester honnête, on ne peut s’empêcher d’y voir aussi une certaine évocation de l’intimité sexuelle féminine. Pour s’en convaincre on verra d’autres images dans lesquelles la nudité d’Eleanor se superpose aux paysages, se marie intimement à la nature et renvoient directement à celle qui nous occupe (voir galerie).

Harry Callahan était autodidacte.

D’un naturel très discret il ne cherchait pas à être reconnu.

Aujourd’hui encore, de ce côté-ci de l’Atlantique, il ne fait jamais la une et on ne le cite que très rarement.

A l’exception du catalogue que la Fondation Cartier-Bresson (Paris) lui consacra en 2010 lors d’une très belle rétrospective de son œuvre, pas un seul ouvrage le concernant n’est traduit en français.

Pourtant, malgré cette existence flottante, son œuvre reste incontournable.

« La photo me paraît si simple qu’il me semble qu’il n’y a rien à dire, vous ouvrez l’obturateur et vous laissez le monde y pénétrer ».

Si simple ?

Pas sûr !

Tout le monde ne s’appelle pas Harry Callahan !